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« Le soin expérientiel », hyper-responsabilisation ou hyper-personnalisation ?

Par Géraldine Hatchuel,
le 2020-02-18
Lecture : 7 min

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« Étant dans le domaine du soin, j’ai mis de côté mon expertise en me répétant l’une des citations de la ‘suspensoire’ au début de la visite : « Je sais que je ne sais pas ». Cela m’a beaucoup a aidé à déconstruire ma vision pour justement écouter et construire avec les autres membres de mon groupe. J’avais des appréhensions sur ma capacité de compréhension de la méthode. Au final c’était très fluide et l’animatrice nous a mis en confiance tout de suite et permis de nous dépasser. »

— Marie Lechat, infirmière

« Cela me faisait peur d’être confronté à une limite temporelle, et là on avançait ensemble de façon naturelle, et même le rendu final ça donnait quelque chose de travaillé, abouti, ce qui est satisfaisant. C’est vraiment étonnant, j’ai été bluffée ! En regardant la saynète de l’autre groupe, je me suis dit que cela faisait bien un mois qu’ils réfléchissaient au sujet ! Et puis, sans se connaître, arriver si vite à se sentir à l’aise et à lâcher-prise, pour un rendu final travaillé, abouti, c’est très satisfaisant. »

— Laurence, Marketing Cosmétiques

Pour cette 7ème expédition créative, nous avons choisi de parler de soin et de bien-traitance, en redéfinissant ce qu’est un soigné et un soignant, pour remettre du beau, de la joie, du vivant dans le soin.

Santé connectée, beauté personnalisée, label Hospitalité ?
Patient-centricity ? Clean ou Green beauty ? Médecine asiatique, thérapies holistiques, philosophie yogique ?

Parce que le secteur Santé, Beauté, Bien-être a besoin de nouveaux scénarios d’expérience, de double-empathie, et de chorégraphes pour concilier enjeux économiques de plus en plus pressants, et attentes individuelles expérientielles de plus en plus sensibles, avec la communauté Scenary, nous avons inventé les formats et contenus expérientiels de demain.

D’après le CNRTL, le soin correspond à l’attachement, l’intérêt, l’effort, la priorité du traitement que l’on donne à une personne, un objet, une situation, un projet ou une tâche. Il s’agit donc d’une intention incarnée, ou d’une responsabilité agissante que de soigner. Nous découvrons également en creusant la notion que la responsabilité de ce soin peut être soit auto-déterminée (prendre soin de soi, bien s’alimenter) ou bien déléguée (dans le cas par exemple où on s’adresse à un professionnel du soin, ou a un traitement venant de son entourage)

Ce qui frappe de prime abord lorsqu’on étudie le champ lexical du soin, c’est que tous les termes qui le définissent dans son acception générale semblent décorrélés du champ lexical professionnel de la santé : intimité, générosité, hyper personnalisation, bienveillance, bien-traitance, écoute, accueil, hospitalité, connaissance de soi …

Soin classique vs Soin expérientiel

Une fois posée cette définition, qui permet d’envisager le soin comme une veille active sur autrui ou sur soi-même, nous nous sommes interrogés sur le type d’individus qui pratiquaient ou bénéficiaient de ce soin, et ce dans quel cadre, et quel contexte ? Car en effet, deux visions de la responsabilité de prendre soin ou de soigner s’opposent :

  • Soin classique, voici une première vision dans laquelle interagissent patients et soignants et dans laquelle la proposition de valeur du soignant envers le patient peut alors se caractériser par cet échange : “Soudainement tu vas mal” → “Grâce à moi, tu vas aller mieux”. Dans ce cas de figure, la responsabilité du soignant semble alors technique, en pointillés, avec une dilution de cette responsabilité. En effet, la responsabilité n’apparaît qu’en cas de problème du patient.

 

  • Soin expérientiel, une autre vision que l’on caractérisera d’expérientielle émerge. La proposition de valeur se conjugue alors à la première personne pour le bien-traité dans son échange avec le bien-traitant : “Je vais bien” → “Je fais en sorte de continuer à aller mieux”, ou bien “Je vais bien ou moins bien → Je suis aidé pour continuer à aller mieux et à éviter les soucis”

 

Bien-traités et bien-traitants

Pour discuter du soin expérientiel, nous avons eu à coeur de redéfinir les rôles des soignants, docteurs, médecins, et également des soignés, malades, patients et de les renommer. Certaines tentatives de modification du langage avaient déjà eu lieu notamment grâce à Dr Jean-François Thebaut qui avait proposé d’introduisant le terme d’ ‘actient’, le patient au acteur de sa santé [1]. Dans notre cas, nous souhaitions deux termes génériques qui puissent regrouper l’ensemble de l’écosystème des acteurs de santé et leur soignés.

Bien-traités et bien-traitants. Et si on instaurait une double responsabilité entre bien-traitants et bien-traités qui s’ancre sur de la double empathie et une responsabilité commune en continue ?

Mais qui sont-ils au juste, ces acteurs de la bien-traitance ?

 

  • Laboratoires & Marques Beauté : ils recherchent, analysent, créent des produits

 

  • Établissements de santé (hôpital, clinique, médecin de ville) : ils diagnostiquent, mesurent, opèrent, pratiquent les soins, accompagnent, forment, recherchent, créent le lien

 

  • Samu, Pompiers : secourent, réagissent à l’urgence, transportent
    Territoires et villes (mairie, école, assistance sociale, pôle d’éducation thérapeutique) : ils sensibilisent, assistent, préviennent, proposent des parcours de soin, alertent
    etc.

 

Assez vite, l’approche du “Soin expérientiel” fait émerger de nouveaux besoins qu’il s’agit d’adresser : s’écouter, apprendre à s’écouter, identifier des intuitions, se connaître, apprendre à se connaître, se maintenir en forme, maintenir en forme, connecter le corps et le toucher, être à l’écoute de son entourage, pratiquer le bien-être, créer des liens, connaître son capital santé, son patrimoine santé, diminuer la charge mentale et opérationnelle des médecins, donner des outils de pédagogie aux patients , améliorer l’expérience soignant …

Pourquoi les enjeux économiques sont-ils de plus en plus pressants, en parallèle d’attentes individuelles expérientielles de plus en plus sensibles ?Mais pourquoi ces besoins sont-ils si peu couverts par les offres de soin actuels ?

 

Le bien-traitant, auteur et metteur en scène des soins ?

Une des lacunes fondamentale de l’approche classique du soin peut s’analyser par une scission entre d’une part les auteurs et d’autre part les metteurs en scènes du soin. Un des concepts importants du design d’expérience est celui de la mise en corps, ou mise en vie. En effet, la recherche en design d’expérience montre qu’il ne suffit pas de vouloir transmettre un message à un récepteur pour lui faire comprendre ce message et qu’on ne peut décorréler la conception de ces messages de leur mise en vie. Penser la bien-traitance comme un designer d’expérience serait envisager les bien-traités dans le cadre d’une mise en vie/en corps de l’expérience de soin proposée.

En témoignent une typologie de soins expérientiels qui favorisent cette mise en vie, la double empathie ou la scénarisation des soins :

 

  • En utilisant un vocabulaire, champ lexical ou analogies qui rendent les bien-traités autonomes dans leur parcours de soin tant sur l’achat de prescriptions, on pourra citer Help, un packaging de médicament empathie orienté patient, nom du médicament ou de la composition remplacer par le symptôme, exemple : “I have aching body”, que sur l’observance des prescriptions on pourra évoquer Inmbox, un packaging qui facilite la prise de médicament quotidienne

 

  • En favorisant la connaissance et l’appropriation de son propre corps avec notammant le projet Les parleuses [2] dans lequel l’utérus est tangibilisé, manipulable, comme élément de médiation pour communiquer sur un impensé ou bien des ateliers de maquettages de vulves en pâtes à modeler

 

  • En imaginant des produits/outils qui aident les bien-traités à définir leur propre expérience de soin avec par exemple Dodow [3], quand une équipe d’insomniaques co-créent leur expérience de sommeil

 

  • En aidant à consentir à une expérience de soin en communiquant toutes les étapes du parcours, comme sur l’appli pour comprendre le vécu d’une IRM comme avec Radiohéros [4]

 

  • En mettant les bien-traitants dans la peau d’un patient pour les aider à développer la bientraitance grâce à un Escape room [5]

 

  • En favorisant le lien à l’autre et au toucher, notamment à travers la calinothérapie ou la sexualité des handicapés [6]

 

“Une bonne expérience vaut mieux qu’un long discours”, alors sans plus attendre, voici les réponses aux 2 défis proposés ce jour-là à Scenary, la communauté du design d’expérience.

 

  • Améliorons la vie des bien-traités !

— Wellness, une histoire de bien-traitance ordinaire dans un hôpital pas si ordinaire

Dans cet hôpital, le patient n’est plus pris en charge, mais pris en compte ! En tant que bien-traité.e, il.elle devient l’acteur.actrice principal.e de son parcours de soin. Pas de jargon, dès son arrivée une personne dédiée lui explique en des termes simples et avec bienveillance, ce dont il souffre et comment les bien-traitants vont prendre en compte sa personne dans son entièreté (l’esprit, le corps et le coeur). Plus d’attente interminable dans les couloirs, il.elle peut gérer son agenda personnel heure par heure ! Un cuisinier-nutritionniste lui propose un menu adapté à sa pathologie, la socio-dermatologue écoute ses besoins, lui transmet les bons gestes et panse ses inquiétudes. Pendant son temps libre, il.elle peut pratiquer des ateliers “bien-être” (yoga, coiffure, acuponcture, …)

 

  • Améliorons l’expérience des bien-traitants !

— La main d’or, le festival de la bien-traitance

C’est un festival pour récompenser les esthéticien.nes qui ont une haute vision de leur métier. Ce week-end est organisé par une coopérative d’esthéticien.nes en partenariat avec leurs marques préférés ! Moment spa, pour leur permettre d’être bien-traité.es., ateliers de co-développement pour se former, stand-ups de témoignages pour célébrer les meilleurs moments d’esthétiques… c’est aussi l’occasion de festoyer, de se rencontrer, et de célébrer “la main d’or”, l’heureux.se gagnant.te des Esty Awards.

 

Saynète en improvisation sur le soin expérientiel à la Story Room

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